Par Mohcine Belabbes
Ce n’est pas la cause sahraouie qui s’essouffle, c’est la diplomatie algérienne qui s’y dissout.
Le 31 octobre 2025, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution consacrant l’initiative marocaine d’autonomie comme « la base la plus crédible » pour une solution politique au conflit du Sahara occidental.
Un tournant majeur, un glissement silencieux : pour la première fois, le principe d’autodétermination recule devant le réalisme politique.
Et à Alger, rien. Pas de déclaration, pas d’initiative, pas de réaction. Le silence comme réponse. Le silence comme politique.
Dans le monde d’aujourd’hui, le silence n’est plus une prudence, mais une capitulation.
La diplomatie algérienne, autrefois fière de sa parole et de son influence, s’est enfermée dans un triptyque figé la Palestine, le Sahara occidental, le Sahel devenu le dernier refuge d’un pouvoir sans vision.
Elle répète mécaniquement les mêmes formules, comme si elle récitait un texte vidé de sens.
La fidélité est devenue prétexte, la constance une mise en scène.
On ne défend plus des causes, on entretient des mythes.
Pendant que le Maroc transforme le dossier sahraoui en levier d’influence mondiale alliances africaines, partenariats technologiques, diplomatie économique, Alger continue de parler comme si Bandung venait d’avoir lieu.
Le monde a changé, mais la diplomatie algérienne reste immobile, prisonnière d’un langage héroïque et d’une peur panique du réel.
Aujourd’hui, à Alger, la diplomatie ne s’exerce plus, elle s’exécute.
Le ministère des Affaires étrangères ressemble à une salle d’attente : les ambassadeurs attendent des ordres, les communiqués attendent d’être signés, la parole attend d’être autorisée.
Parler devient suspect, penser devient dangereux.
Ce mutisme n’est pas accidentel, c’est une méthode.
On préfère se taire plutôt que risquer de déplaire.
On confond neutralité et docilité, loyauté et soumission.
Et tandis que le monde se parle, l’Algérie s’écoute se taire.
Cette centralisation excessive du pouvoir diplomatique, confisquée par la présidence, a détruit l’essence même de toute politique étrangère : l’initiative.
Une diplomatie sans débat interne ne peut pas avoir de vision externe.
Un État qui ne parle pas à ses citoyens ne saura jamais parler au monde.
Le déficit de légitimité intérieure a engendré une politique étrangère de façade : protocole sans influence, posture sans stratégie, slogans sans portée.
Le problème n’est pas le Sahara occidental, mais la manière dont le pouvoir s’en sert.
Ce dossier, conçu à l’origine comme un combat pour la décolonisation, est devenu un instrument de conservation du régime.
Celui-ci se présente comme le gardien de la légitimité internationale, tout en la vidant de son sens : défendre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, tout en refusant à son propre peuple la parole politique.
Le Sahara occidental est devenu un miroir : figé, répétitif, incapable de réforme à l’image du pouvoir qui s’y reflète.
La résolution du 31 octobre a rebattu les cartes.
Le Maroc a avancé, l’Algérie a attendu.
Le premier a proposé un plan, la seconde un silence.
Résultat : le rapport de forces s’est inversé, non parce que Rabat a changé d’idées, mais parce qu’Alger a cessé d’en avoir.
L’État algérien ne défend plus un principe, il défend une posture.
Il ne protège plus une cause, il protège une inertie.
Refonder la diplomatie algérienne, c’est d’abord rompre avec la peur du verbe.
Il ne s’agit pas de renier la Palestine ou le Sahara, mais de les arracher à l’incantation.
Le monde ne se structure plus autour des slogans, mais autour des interdépendances : énergie verte, corridors africains, souveraineté numérique, sécurité alimentaire.
Les grandes puissances s’y positionnent, les émergents y investissent.
L’Algérie, elle, continue d’invoquer sa légitimité historique comme on récite une prière d’un autre siècle.
Il faut rendre à la diplomatie algérienne son autonomie intellectuelle, à ses diplomates leur liberté, et à la politique étrangère sa cohérence avec les aspirations du peuple.
Un pays qui bâillonne sa société ne peut pas parler fort à l’international.
Un État qui confond prudence et peur, continuité et immobilisme, ne sera jamais écouté.
L’Algérie ne manque pas de principes, mais de courage politique.
Elle ne manque pas d’histoire, mais de stratégie.
Et tant qu’elle fera du silence une doctrine, elle ne bâtira pas une diplomatie souveraine, mais un théâtre de l’immobilisme.
Le monde avance avec ceux qui osent parler.
L’Algérie, elle, s’écoute se taire comme si le silence pouvait encore masquer l’effacement.



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