Dans le cadre de son ouverture sur l’économie numérique et de son ambition d’accompagner les mutations mondiales liées aux crypto-actifs, le Maroc a élaboré le projet de loi n°42.25, initié par le ministère de l’Économie et des Finances. Ce texte vise à établir un cadre législatif complet régissant l’échange des actifs numériques et le développement du financement décentralisé (DeFi).

Ce projet vient combler un vide juridique ayant perduré pendant plusieurs années, durant lesquelles ce secteur stratégique est resté en dehors de toute régulation officielle. Il s’agit d’une étape déterminante dans la modernisation du système financier national, conciliant innovation et protection juridique.

Selon la note de présentation du projet, la loi poursuit quatre objectifs majeurs : protéger les investisseurs, garantir l’intégrité des marchés et la lutte contre la fraude et le blanchiment d’argent, encourager l’innovation dans les domaines numérique et financier, et préserver la stabilité économique.

Le texte définit les actifs numériques comme des représentations numériques de valeur ou de droits, pouvant être échangées au moyen de la technologie Blockchain ou de systèmes de registres distribués. Il encadre ainsi diverses activités telles que l’émission, l’offre publique, l’échange, la conservation et le conseil, établissant des règles claires et des responsabilités précises pour les acteurs du secteur.

Le projet précise que les crypto-monnaies ne constituent pas un moyen de paiement légal, mais une catégorie spécifique d’actifs financiers. Leur échange ne pourra se faire qu’à travers des prestataires agréés, dans le respect strict du système monétaire national, afin de protéger le marché et de réduire les risques liés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme.

L’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) sera chargée de superviser l’émission et les offres publiques de jetons, ainsi que de délivrer les autorisations aux plateformes numériques tout en veillant à leur conformité réglementaire.

De son côté, Bank Al-Maghrib encadrera l’utilisation des monnaies stables et surveillera leurs flux financiers, en veillant à ce qu’elles soient adossées à des actifs liquides et fiables, et que les opérations de rachat se fassent de manière transparente et sécurisée. Le texte lui confie également la lutte contre le délit d’initié, la manipulation de marché et la diffusion d’informations trompeuses.

En matière de conformité, la mission de contrôle du respect des règles relatives à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LBA/FT) sera confiée à une nouvelle entité : l’Agence nationale du renseignement financier (ANRF). Celle-ci assurera le suivi des acteurs du marché et leur respect des obligations réglementaires.

Les prestataires de services devront vérifier l’identité de leurs clients, conserver les registres de transactions pendant au moins dix ans, et signaler toute opération suspecte, afin de renforcer la transparence et la traçabilité des flux financiers.

Le projet distingue deux types de jetons numériques :

  • Les “Utility Tokens”, utilisés pour accéder à un service ou un produit numérique, sans vocation d’investissement.

  • Les “Stablecoins”, dont la valeur est adossée à une monnaie fiduciaire ou à un panier d’actifs, pour limiter la volatilité.

Les monnaies numériques émises par les banques centrales, les NFT ainsi que les activités de minage sont exclues du champ d’application de cette loi.

Enfin, une structure nationale de coordination sera créée, regroupant Bank Al-Maghrib, l’AMMC, l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale, la Trésorerie générale du Royaume, ainsi que la Commission nationale de protection des données personnelles. Cette instance aura pour mission d’assurer une mise en œuvre cohérente et évolutive des politiques adoptées face aux mutations rapides du monde numérique.