Par : Abderrahmane Fares
Les rapports Microsoft AI Diffusion Report 2025, Kaspersky Africa Cyberthreat Landscape Report 2025 et Comparitech Global Cybersecurity Index 2024 dressent un constat chiffré d’une extrême précision : l’Algérie se classe parmi les États les plus technologiquement faibles au monde. Les données croisées des leaders en technologies tels que Microsoft, Kaspersky démontrent un effondrement simultané de l’écosystème numérique national, aussi bien sur le plan de l’intelligence artificielle que de la cybersécurité.
Selon Microsoft, l’Algérie ne figure dans aucun des 147 pays identifiés comme participants actifs à la diffusion de l’intelligence artificielle. Le pays ne dispose d’aucune infrastructure de calcul de type hyperscale, d’aucune stratégie nationale d’IA, ni de partenariat institutionnel majeur avec des acteurs mondiaux tels que Microsoft, Google, ou Amazon Web Services. En 2024, seulement 49 % de la population disposait d’un accès à Internet (Banque mondiale), et moins de 10 % de la population active possédait des compétences numériques de base (Union internationale des télécommunications).
Aucune université algérienne n’apparaît dans les 1500 premiers établissements mondiaux en informatique ou data science selon le QS Ranking 2026. À l’inverse, le Maroc apparaît avec deux universités classées — l’Université Mohammed V de Rabat et l’Université Ibn Tofail de Kénitra — et dispose déjà de deux centres de calcul régionaux (Casablanca et Benguerir) interconnectés à Microsoft Azure. L’Égypte, pour sa part, compte vingt universités classées, dont l’Université du Caire (347ᵉ rang mondial), et exploite depuis 2023 le National AI Center au Caire. La Tunisie, enfin, compte quatre universités classées — notamment l’Université de Tunis El Manar et l’Université de Sfax — et a lancé plusieurs programmes nationaux d’intelligence artificielle, dont le Tunisian AI Research Program et le Centre d’Innovation en Intelligence Artificielle à El Manar. L’Algérie demeure ainsi un territoire de consommation passive de technologies importées, sans production locale d’algorithmes, de jeux de données ou de modèles d’IA.
Contrairement à ce que fut annoncé en Mars 2025, le projet de data center d’Oran présenté par le gouvernement comme « le premier centre de calcul dédié à l’intelligence artificielle » relève avant tout d’un exercice de communication. Aucune spécification technique n’a été rendue publique : ni capacité de calcul (TFLOPs), ni type de GPU, ni architecture réseau, ni certification Tier III ou IV. Le centre n’apparaît dans aucun registre international des infrastructures HPC (Uptime Institute, Cloudscene, Datacentermap), et aucun partenariat académique ou industriel n’a été annoncé. Algérie Télécom, opérateur porteur du projet, exploite aujourd’hui des data centers de niveau II conçus pour l’hébergement classique, non pour l’entraînement de modèles d’IA.
En l’absence d’universités classées, de laboratoires publiant dans les revues d’informatique appliquée ou d’accès ouvert à des ensembles de données, cette annonce traduit moins une avancée scientifique qu’une stratégie de mise en scène technologique. L’objectif déclaré de faire contribuer l’intelligence artificielle à 7 % du PIB d’ici 2027 ne repose sur aucun indicateur mesurable et demeure incompatible avec l’état réel du secteur de la recherche numérique en Algérie.
Sur le plan de la cybersécurité, Kaspersky place l’Algérie en tête des pays africains les plus ciblés par les attaques de phishing. En 2024, les utilisateurs algériens ont cliqué sur 13 676 619 liens de phishing, soit le chiffre le plus élevé du continent, devant l’Angola (7,5 millions) et le Cameroun (6,4 millions). Dans le secteur professionnel, 2 323 917 clics provenaient d’utilisateurs d’entreprises, un record continental. Ces chiffres proviennent du réseau mondial Kaspersky Security Network et couvrent la période janvier–décembre 2024. Dans le rapport Kaspersky ICS-CERT Q2 2025, l’Algérie apparaît également parmi les pays ayant plus de 30 % des systèmes de contrôle industriel (ICS) infectés, notamment dans les secteurs de l’énergie et de la construction.
Les données du rapport Comparitech 2024 confirment la faiblesse du pays : 21,97 % des smartphones algériens ont été infectés par des malwares en 2023, soit l’un des taux les plus élevés au monde après l’Iran (30,29 %). Le score global de cybersécurité d’Alger est de 32,28 / 100, classant le pays dans le dernier décile mondial.
Les chiffres combinés de Microsoft, Kaspersky et Comparitech positionnent l’Algérie comme l’un des cinq pays les plus exposés au monde : aucun développement national en intelligence artificielle, une population massivement vulnérable au phishing et aux malwares, et une absence totale de cadre stratégique ou législatif pour la sécurité numérique.



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