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L’arrestation puis la libération en moins de 24 heures de l’écrivaine et éditrice Salima (Zineb) Melizi a relancé le débat sur l’état de la justice en Algérie. Elle a été poursuivie à la suite d’une plainte déposée par Ibtissam Hamlaoui, présidente de l’Observatoire national de la société civile et du Croissant-Rouge algérien, pour un simple commentaire publié sur Facebook. La directrice des Éditions Le XXIᵉ siècle a été incarcérée puis libérée dans des conditions qui soulèvent de nombreuses interrogations.

Au-delà du cas individuel, cette affaire révèle une réalité inquiétante : la détention provisoire est devenue un outil de pression politique, tandis que la « justice du téléphone » continue de dicter sa loi.

Une procédure expéditive qui interpelle
Selon plusieurs juristes, Salima Melizi a été présentée dans le cadre d’une comparution immédiate, incarcérée avant toute audience, puis remise en liberté dès le lendemain. Ce déroulement, jugé inhabituel, soulève des questions juridiques.

Beaucoup considèrent qu’il illustre l’usage abusif de la détention provisoire, censée rester exceptionnelle. Aujourd’hui, elle est perçue comme un réflexe judiciaire ou un instrument d’intimidation.
Combien de citoyens sont actuellement emprisonnés en détention provisoire pour un simple post, une opinion ou une parole mal placée ?

Contexte : une voix critique face à une figure « intouchable »
Jeudi, le juge du tribunal de Bir Mourad Raïs a ordonné le placement en détention provisoire de l’écrivaine de 65 ans, en reportant son procès au 6 novembre 2025. Le motif : un commentaire sur Facebook critiquant Ibtissam Hamlaoui, elle-même connue pour s’être plainte du bruit des manifestants durant le Hirak.

Dans ce commentaire, Melizi évoquait la mauvaise gestion et la conduite douteuse des institutions dirigées par Hamlaoui.
Les chefs d’accusation se sont alors accumulés :

  • outrage à fonctionnaire public,

  • menace envers un responsable,

  • non-respect des convocations officielles.

En clair : Ibtissam Hamlaoui se situerait au-dessus de toute critique.

Une arrestation qui choque le milieu culturel
Le mercredi 29 octobre, Melizi a été entendue par la Gendarmerie de Bir Mourad Raïs et invitée à revenir le lendemain avec son passeport. Le même jour, elle est incarcérée, provoquant une onde de choc dans le milieu intellectuel.

De nombreux écrivains, éditeurs et défenseurs des droits humains dénoncent une dérive inquiétante du pouvoir judiciaire et un nouvel atteinte à la liberté d’expression.
Un membre du PEN Algérie déplore : « On enferme une écrivaine pour un commentaire critique. Ce n’est pas la violence qui est criminalisée, mais la parole. »

Dans le contexte récent interdiction du SILA pour les maisons d’édition Koukou et Tafat ce nouvel épisode rappelle, à ceux qui l’auraient oublié, la nature autoritaire du système.

Une parole surveillée, un débat public étouffé
Depuis plusieurs années, journalistes, blogueurs, activistes et simples internautes font l’objet de poursuites pour publications jugées “offensantes” envers des responsables ou des institutions. Les réseaux sociaux sont devenus un terrain miné, où chaque mot peut mener au tribunal.

Salima Melizi n’est pas une inconnue. Écrivaine engagée et éditrice, elle incarne une voix libre et féminine dans le paysage littéraire. Épouse de l’écrivain Abdelaziz Ghermoul, elle partage avec lui l’attachement à l’esprit critique et à la liberté créatrice. Son arrestation, à la veille des commémorations du 1er novembre, revêt une forte valeur symbolique.

1er novembre : le discours officiel face à la réalité
Alors que les autorités multiplient les appels à l’unité et à la préservation de l’héritage de la Révolution, une autre réalité s’impose : plus de 200 détenus d’opinion sont actuellement derrière les barreaux en Algérie.

Des Algériennes et des Algériens emprisonnés pour leurs idées, leurs écrits ou leur refus du silence imposé par la dyarchie Tebboune-Chanegriha. Parmi eux :

  • des journalistes, comme le Français Christophe Gleizes,

  • des écrivains, comme Boualem Sansal,

  • des universitaires, comme Mira Mokhnache,

  • des poètes, comme le jeune Mohamed Tadjadit

Tous sont emprisonnés au nom d’une stabilité qui dissimule mal la peur du régime face à la parole libre.

Une justice au service du pouvoir
La libération rapide de Salima Melizi a évité une injustice prolongée, mais ne trompe personne. Elle révèle plus qu’elle ne rassure : une justice instrumentalisée, à plusieurs vitesses, souvent guidée par un coup de fil plutôt que par le code de procédure pénale.

En ce 1er novembre, jour anniversaire du déclenchement de la guerre d’indépendance, l’ironie est amère : on célèbre la liberté conquise hier, tandis que l’on emprisonne aujourd’hui la parole libre.
Tout le reste n’est que rideau de fumée.