Par : Abderrahmane Fares
La compagnie nationale algérienne des hydrocarbures Sonatrach a connu un limogeage brutal de son PDG, moins de deux semaines après la signature d’un contrat de partage de production d’hydrocarbures de 5,4 milliards de dollars US avec la société saoudienne Midad Energy North Africa BV, une filiale enregistrée aux Pays-Bas du groupe Midad Energy basé à Riyad, contrôlé par la famille al-Aiban, dont Musaad al-Aiban, conseiller à la sécurité nationale du royaume et coordinateur du renseignement saoudien.
Selon les registres néerlandais, la filiale Midad Energy North Africa BV dispose d’un capital social de 100 euros, d’un employé unique et d’une adresse postale virtuelle.
Le contrat, signé le 13 octobre à Alger par le PDG de Sonatrach Rachid Hachichi et le PDG de Midad Energy Cheikh Abdulelah bin Mohammed al-Aiban, porte sur l’exploration et le développement du périmètre d’Illizi Sud, situé à environ 100 kilomètres au sud d’In Amenas, près de la frontière libyenne.
L’accord, d’une durée de 30 ans renouvelable pour 10 ans, prévoit un financement intégral par le partenaire saoudien, dont 288 millions de dollars pour la phase d’exploration et un investissement total de 5,4 milliards de dollars.
La cérémonie s’est tenue en présence du ministre de l’Énergie Mohamed Arkab, de l’ambassadeur d’Arabie saoudite Abdullah al-Busairi, ainsi que des responsables de l’ALNAFT et de l’Autorité de régulation des hydrocarbures (ARH).
Le PDG de Midad Energy, Cheikh Abdulelah bin Mohammed al-Aiban, est le frère de Musaad al-Aiban, conseiller à la sécurité nationale et figure centrale du dispositif de renseignement saoudien. Ce lien place le contrat à la croisée des sphères énergétique et sécuritaire du pouvoir saoudien.
Le 24 octobre, des articles anonymes parus simultanément dans El Khabar et Le Soir d’Algérie ont mis en cause la gestion de Hachichi. Le 26 octobre, les médias algériens ont annoncé son limogeage, confirmé par le ministre Arkab. Noureddine Daoudi, ancien président de l’ALNAFT (2020-2023), a été nommé nouveau PDG. Aucune explication officielle n’a été fournie.
Sonatrach a indiqué qu’aucune modification du contrat d’Illizi Sud n’était décidée, tout en reconnaissant qu’une « révision technique » est en cours. L’accord reste valide mais fait l’objet d’un réexamen interne.
UN MONTAGE AUX CONTOURS OPAQUES
Pourquoi Sonatrach a-t-elle signé un contrat de 5,4 milliards de dollars avec une société-écran enregistrée aux Pays-Bas, dotée d’un capital de 100 euros et d’un seul employé ? Comment une telle structure, sans existence industrielle ni capacité technique, a-t-elle pu être choisie comme partenaire stratégique pour le développement d’un champ pétrolier majeur ? Quels motifs politiques, diplomatiques ou personnels ont conduit à cet engagement, et qui, au sein de l’État algérien, en a validé la décision ? Les flux financiers annoncés proviendront-ils réellement d’investisseurs saoudiens, ou seront-ils acheminés via des comptes émiratis ou européens, sous quelle couverture réglementaire et avec quels garants ?
Pourquoi le PDG Rachid Hachichi a-t-il été évincé moins de deux semaines après la signature, sans explication officielle ? L’ordre est-il venu de la présidence, du ministre de l’Énergie Mohamed Arkab, ou d’une intervention du renseignement militaire inquiet des implications du contrat ? L’enchaînement des faits, entre révélation médiatique et limogeage immédiat, interroge sur l’existence d’un canal parallèle de décision.
Enfin, des commissions occultes ont-elles transité par la filiale néerlandaise ? Des intérêts algériens — politiques, économiques ou sécuritaires — ont-ils bénéficié de cette opération à l’intersection du pétrole, de la finance et du renseignement ? Le silence officiel ne dissipe pas le soupçon d’un montage dont les bénéficiaires réels restent dans l’ombre.



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