Le régime algérien continue de présenter une image embellie de l’industrie pharmaceutique nationale, utilisant le langage des chiffres et des réalisations supposées pour convaincre l’opinion publique intérieure et internationale des capacités et du développement de l’Algérie. Mais les faits sur le terrain, ainsi que les témoignages de patients, de médecins et de pharmaciens, racontent une toute autre histoire. Alors que le président Abdelmadjid Tebboune parle avec confiance d’une suprématie algérienne sur le marché africain du médicament, le citoyen algérien vit quotidiennement une épreuve épuisante pour trouver une dose qui pourrait sauver la vie d’un patient atteint de cancer ou d’une maladie chronique.
Tebboune a annoncé lors de la conférence ministérielle africaine sur la production locale de médicaments que l’Algérie possédait un tiers des établissements de fabrication pharmaceutique du continent, indiquant que son pays comptait environ 230 usines sur 649, en plus de plus d’une centaine de projets en cours de construction. Ces déclarations ont été célébrées par les médias officiels, présentées comme une preuve indiscutable du bond qualitatif du secteur. Mais la question qui se pose avec insistance est : ces chiffres reflètent-ils la réalité ou ne sont-ils qu’une propagande politique visant à créer l’illusion d’une supériorité industrielle ?
La crise de pénurie de médicaments qu’a connue l’Algérie l’été dernier illustre clairement l’écart entre le discours et la réalité. Jusqu’à ce jour, les patients souffrent d’une grave pénurie de médicaments essentiels pour traiter le cancer, les maladies cardiaques, le diabète et les maladies auto-immunes. Les syndicats médicaux et pharmaceutiques n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme, confirmant la disparition de dizaines de médicaments vitaux du marché. La Fédération nationale des pharmaciens privés avait déjà signalé dans des rapports précédents la perte d’au moins 100 médicaments dans le pays, affectant 11 000 pharmacies privées et 900 pharmacies publiques.
Si l’on remonte un peu dans le temps, on constate que le problème n’est pas récent. En 2018, un rapport publié par Al Jazeera.net mentionnait que la situation se répétait chaque année : des patients qui errent entre les pharmacies, des familles cherchant désespérément un traitement pour un proche mourant à l’hôpital, tandis que l’État peine à fournir les médicaments malgré ses engagements répétés.
Cet écart majeur entre le discours officiel et la réalité opérationnelle soulève des questions sur la méthodologie de présentation des chiffres et leur fiabilité. Posséder des usines ne signifie pas nécessairement disposer d’une production réelle couvrant les besoins locaux, encore moins d’une suprématie continentale. De même, le projet de création de nouvelles usines ne comble pas le déficit actuel en matière de distribution, de disponibilité et d’efficacité.
La question essentielle est donc : l’important est-il le nombre d’usines annoncées ou la disponibilité réelle des médicaments entre les mains des patients ? L’Algérie peut-elle prétendre être une puissance pharmaceutique africaine alors que des citoyens perdent la vie faute d’une simple pilule ? Et si le secteur connaît réellement un bond qualitatif, comme l’affirme le président, pourquoi le citoyen continue-t-il à faire la queue devant les pharmacies pour obtenir un médicament simple ? La réponse ne réside pas dans un discours politique, mais dans une réalité tangible et des médicaments disponibles.



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