Auteur: Pedro Canales
L’acceptation par le Conseil de sécurité des Nations unies du projet d’autonomie présenté par le Maroc en 2007 comme « la meilleure base pour la résolution du conflit du Sahara », et l’appel à des négociations quadripartites réunissant le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie et le Front Polisario pour y parvenir, ont ouvert un débat au sein même du royaume de Mohammed VI.
Avant son départ pour les Émirats arabes unis dans le cadre d’une visite privée, le souverain marocain a ordonné à ses conseillers au Palais de réunir les dirigeants des principaux partis parlementaires afin de les informer de la situation née après la Résolution 2797 et des prochaines étapes à suivre. Le Roi souhaite connaître les positions des représentants politiques ainsi que leurs propositions pour rédiger, comme il s’y est engagé, un document plus détaillé sur l’initiative d’autonomie à transmettre à l’ONU. Cette décision royale coïncide avec le débat qui s’est ouvert au sein de la société marocaine à propos de ce projet de restructuration de l’État. Ce ne sont pas uniquement les « provinces du Sahara » qui seront concernées, mais l’ensemble du royaume.
Au sein du Mouvement national, courant nationaliste marocain ayant lutté pour l’indépendance du pays depuis les années 1930, lorsque le Royaume était un Protectorat français, et représenté aujourd’hui par les anciens partis de la Koutla démocratique, à savoir l’Union socialiste des forces populaires, le Parti de l’Istiqlal et le Parti du progrès et du socialisme, on rappelle que ces formations furent les premières à proposer une régionalisation avancée comme solution au conflit du Sahara occidental dès 1976, peu après la Marche Verte et l’installation de l’armée marocaine dans l’ancienne colonie espagnole.
Abderrahim Bouabid, dirigeant du Mouvement national à l’époque, avait présenté cette proposition lors de la conférence nationale du parti en 1976, alors que le Palais royal de Rabat n’envisageait que l’intégration totale de la région dans la structure d’un État marocain unitaire et centralisé, une vision élaborée par Driss Basri, ministre de l’Intérieur de Hassan II et architecte de l’appareil administratif du Makhzen. La position de l’Union socialiste des forces populaires, créée en janvier 1976 à la suite d’une scission de l’UNFP, s’inscrivait dans la continuité idéologique de la Conférence de Tanger de 1958, où les trois partis indépendantistes du Maghreb, l’Istiqlal marocain, le Front de libération nationale algérien et le Néo-Destour tunisien, avaient appelé à coordonner la lutte pour l’indépendance dans toute la région. Cet esprit décentralisé plonge ses racines dans l’héritage de l’Étoile nord-africaine fondée par le nationaliste algérien Messali Hadj, qui célébrera son centenaire en 2026.
Dans la région du Rif, historiquement frondeuse, réputée pour sa résistance à la colonisation espagnole durant le Protectorat et pour ses profondes divergences avec le Palais royal, le projet d’autonomie a également suscité des attentes. Dans une déclaration rendue publique à sa sortie de la prison de Tanger afin d’assister aux funérailles de son père Ahmed Zefzafi, Nasser Zefzafi, leader du Mouvement populaire rifain, dont l’incarcération paraît aujourd’hui plus absurde que jamais, a réaffirmé l’unité du Maroc, du Rif au Sahara, « une patrie qui accueille tous les Marocains ». Hadu Amezian, frère du leader de l’insurrection rifaine de 1958, a déclaré à ce correspondant que les Rifains n’ont jamais voulu l’indépendance de la région mais une autonomie au sein du Maroc, une position qui rejoint celle exprimée par Nasser Zefzafi.
Le débat interne autour du projet d’autonomie est désormais lancé. L’ordre du Roi de réunir les principaux dirigeants politiques, en présence des conseillers du Palais Tayeb Fassi-Fihri pour la diplomatie, Omar Azziman pour les affaires politiques et Fouad Ali El Himma pour la politique et la sécurité, ainsi que des deux ministres clés de la souveraineté, Nasser Bourita aux Affaires étrangères et Abdelouafi Laftit à l’Intérieur, confère une dimension constitutionnelle à ce débat.
La société civile marocaine demande à être entendue. Non seulement les jeunes de la Génération Z, à l’origine d’un mouvement de redressement démocratique, mais aussi des partis dotés d’une légitimité historique tels que le Parti socialiste unifié présidé par Nabila Mounib ou encore Justice et Spiritualité, mouvement islamiste radical fondé par le cheikh Abdessalam Yassine et désormais dirigé par Mohamed Abadi et Fathallah Arsalane, réclament tous de participer à la discussion ouverte sur l’application du projet d’autonomie à l’ensemble du royaume.
Un débat duquel on espère voir émerger la nouvelle architecture de l’État marocain, démocratique et décentralisé.



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