Les discussions, rencontres bilatérales et négociations menées au cours du dernier mois, en préparation de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU du 30 octobre consacrée au renouvellement du mandat de la MINURSO (Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental), sont restées secondaires et marginales dans le panorama géopolitique mondial.

Le conflit lui-même a une portée locale. Il revêt une importance pour les deux pays principaux impliqués, l’Algérie et le Maroc, et, par ricochet, pour le mouvement indépendantiste ou séparatiste ancré dans la population du territoire contesté, le Front Polisario.

Cependant, sa portée régionale et internationale demeure limitée. Ce n’est pas un conflit qui implique directement les grandes puissances ni les équilibres géopolitiques mondiaux. Il s’agit d’un conflit local avec peu de répercussions internationales.

Nous sommes loin de la guerre en Ukraine, du conflit au Proche-Orient entre Palestiniens et Israéliens, ou de la guerre civile au Soudan, entre les milices des Forces de Soutien Rapide et les Forces Armées soudanaises, qui ont provoqué des dizaines de milliers de victimes et une crise humanitaire affectant 25 millions de personnes.

Il n’est même pas comparable au conflit en République démocratique du Congo, où les affrontements entre le groupe rebelle M23, soutenu par le Rwanda, et l’armée congolaise ont entraîné une profonde crise humanitaire avec des dizaines de milliers de déplacés, des milliers de morts et de graves violations des droits humains.

Le « conflit du Sahara occidental » reste donc minime et n’a que peu, voire aucune, répercussion sur la scène internationale, comparé aux situations précitées. Néanmoins, il demeure crucial pour ses acteurs locaux : Rabat et Alger.

C’est sous cet angle qu’il faut analyser les débats à l’ONU, sous l’impulsion de l’administration américaine de Donald Trump, la présentation du projet de Résolution 2794, et le vote du Conseil de sécurité sur la prorogation de la MINURSO.

Les grandes puissances, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, ont défendu leurs intérêts et l’équilibre des forces actuel. Il n’y a eu aucune confrontation entre eux. L’objectif était de préserver l’équilibre des zones d’influence, tout en orientant les négociations futures afin de protéger les intérêts géostratégiques et l’exploitation des ressources abondantes de la région par les puissances « garantes de la paix ».

Les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ont voté en faveur d’une résolution reconnaissant le Plan d’autonomie présenté par le Maroc comme « la base la plus sérieuse et crédible pour résoudre le conflit », tout en maintenant ouvertes leurs relations avec l’Algérie, sans les affecter ni les rompre.

La Russie et la Chine, historiquement favorables au renforcement de leurs liens avec l’Algérie, se sont abstenues afin de ne pas rompre les ponts avec le Maroc, pays avec lequel elles entretiennent d’excellentes relations et de grands projets en cours. Les autres membres du Conseil de sécurité ont voté pour la résolution afin de rester actifs dans la redistribution des zones d’influence, à l’exception du Pakistan, qui a opté pour l’abstention comme message rassurant envers Alger et Rabat, avec lesquels il entretient des projets, notamment en matière d’armement et d’infrastructures.

Pour le Conseil de sécurité, cette résolution n’avait rien de historique ou transcendant. Elle était complexe dans la mesure où il fallait maintenir l’équilibre politique et diplomatique entre les acteurs du conflit, tout en protégeant les intérêts des grandes puissances, en particulier ceux des États-Unis, apparus comme leader pacificateur dans les conflits mondiaux.

Pour le Maroc et l’Algérie, la résolution revêtait néanmoins une importance stratégique. Rabat en sort grand gagnant, le vote favorable de 11 des 15 membres faisant du Plan d’autonomie régionale pour le Sahara, présenté il y a 18 ans, le point central des discussions futures.

Sur cette base, des propositions, modifications, ajouts et échéances pourront être discutés, mais sans jamais sortir du cadre fixé par le Plan. C’est ce que souhaitait le roi Mohammed VI, et il a remporté cette étape.

L’Algérie, en revanche, qui avait multiplié les efforts pour que « la base de la négociation » reste le référendum d’autodétermination, a échoué. La base est désormais l’autonomie, et non plus le référendum d’indépendance.

Comme pour toutes les résolutions de l’ONU, les grandes puissances laissent la porte ouverte aux parties pour se rencontrer, négocier et trouver des solutions consensuelles. Lors de toutes les réunions entre le Groupe des Cinq et les parties impliquées (Algérie et Maroc), les premiers ont exhorté les seconds à enterrer la hache de guerre et à négocier une paix sans perdants.

Le Maroc semble l’avoir accepté volontairement. La déclaration du roi Mohammed VI, le soir même de l’adoption de la Résolution 2797, invitant le président algérien Abdelmadjid Tebboune à se rencontrer et saluant le « peuple algérien frère », en est la preuve.

L’Algérie, en revanche, a reconnu à contrecœur que l’ONU soutient le Maroc et persiste à vouloir replacer le référendum d’autodétermination et d’indépendance au centre du processus, alors que l’ONU l’a relégué au second plan.

Reste à savoir ce que pense la population sahraouie :

  • celle qui vit sur le territoire qu’elle n’a jamais quitté ;

  • celle réfugiée en Algérie dans les camps inhospitaliers et insalubres de Tindouf ;

  • celle installée depuis des générations dans le nord de la Mauritanie ;

  • et celle exilée plus ou moins volontairement en Espagne, France, Italie et d’autres pays occidentaux.

Ni l’Algérie ni le Front Polisario n’ont permis à ces populations d’exprimer leur opinion. Ce dernier a d’ailleurs subi une humiliation majeure puisque aucun membre permanent du Conseil de sécurité ne lui a demandé son avis.

Les États-Unis, qui mènent la danse, ont été clairs : le conflit est avant tout un bras de fer géopolitique qui dure depuis 50 ans entre l’Algérie et le Maroc. Le Front Polisario n’est qu’un acteur secondaire, tout comme la Mauritanie.

D’autres pays intéressés, comme l’Espagne, ancienne puissance coloniale de la région, ont été écartés par Washington, en représailles à la politique jugée erratique du gouvernement espagnol au sein de l’OTAN face aux grands conflits mondiaux, en divergence avec la politique de Donald Trump.