Dans un développement judiciaire qui a suscité une large controverse, la Tunisie a tenu le lundi 24 novembre 2025 la première audience concernant plusieurs employés du Conseil tunisien pour les réfugiés, provoquant une vive inquiétude parmi les organisations internationales de défense des droits humains, qui ont qualifié ces mesures de ciblage direct du système de protection des réfugiés dans le pays.

Cinq employés ont comparu devant le tribunal de première instance de la capitale, tandis que l’organisation Human Rights Watch a dénoncé avec force les accusations portées contre eux comme étant « dépourvues de tout fondement légal », appelant les autorités tunisiennes à suspendre immédiatement les poursuites, à libérer les détenus et à mettre fin à ce qu’elle considère comme une « criminalisation de l’action humanitaire ».

Selon l’organisation, le Conseil, partenaire officiel du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, subit depuis plusieurs mois des pressions inédites, allant de la fermeture de ses locaux au gel de ses comptes bancaires, avant que les poursuites ne s’étendent à six de ses employés, dont le fondateur Mustafa Jamali et le directeur des projets Abdelrazak Karimi. Ces derniers font face à des accusations passibles de 23 ans de prison pour « facilitation de séjour irrégulier d’étrangers », des accusations que des experts en droits humains jugent uniquement basées sur des activités professionnelles normales menées dans le cadre de la coopération avec le HCR.

Human Rights Watch a averti que cibler une organisation opérant légalement et en partenariat avec une agence reconnue de l’ONU crée un vide dangereux dans le système de protection des réfugiés et demandeurs d’asile en Tunisie, impactant directement les populations les plus vulnérables qui dépendent des services de ces institutions. L’organisation souligne également que saper les associations de la société civile menace non seulement leurs employés, mais aussi les moyens essentiels de soutien aux personnes en situation de vulnérabilité.

Ce procès s’inscrit dans un contexte plus large de restriction des organisations de défense des droits et associations civiles depuis mai 2024, marqué par une campagne d’arrestations et d’enquêtes visant plusieurs militants, y compris des figures connues dans la lutte contre le racisme et la défense des droits des réfugiés. Des organisations locales et internationales ont observé une augmentation des restrictions administratives et financières imposées aux associations, avec la suspension d’activités de plus de 15 associations depuis juillet dernier, certaines sans notification préalable.

Cette montée de pression contre les acteurs civils soulève des questions sérieuses sur l’avenir des libertés publiques et le rôle des organisations indépendantes dans la protection des populations vulnérables en Tunisie, dans un contexte de répression croissante des initiatives humanitaires et de défense des droits.