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L’adaptation de L’Étranger d’Albert Camus en 2025, film sélectionné parmi vingt-et-un films pour la compétition principale du Lion d’Or à la 82ᵉ Mostra internationale du cinéma de Venise, a été tournée en avril 2025 à Tanger, au Maroc, et non en Algérie, où se déroule pourtant l’action du livre. Ce choix, officiellement présenté comme un choix de décors « méditerranéens », reflète surtout une impossibilité politique.

Publié en 1942, L’Étranger est le troisième roman francophone le plus lu au monde après Le Petit Prince et Vingt Mille Lieues sous les mers. Le récit se situe à Alger, dans l’Algérie française, et suit Meursault, un employé indifférent qui tue un Arabe sur une plage.

Luchino Visconti avait pu tourner son adaptation de 1967 en Algérie, avec Marcello Mastroianni et Anna Karina, dans une coproduction franco-italo-algérienne incluant Casbah Film (Alger). Des séquences furent tournées dans la Casbah et sur les plages d’Alger. En 2010, Le Premier Homme de Gianni Amelio, autre adaptation camusienne, avait encore bénéficié d’un tournage partiel à Oran, El Amria et Mostaganem.

En 2025, pas information sur l’accord avec les autorités algériennes pour autoriser le tournage d’L’Étranger n’a été fournie. Le réalisateur François Ozon et son producteur FOZ ont choisi Tanger pour reconstituer Alger des années 1930. Le tournage s’est déroulé sous supervision marocaine, avec un décor imitant la période coloniale. La production inclut Gaumont (France) et Scope Pictures (Belgique).

Ce déplacement géographique d’Alger vers Tanger, intervient dans un contexte politique délétère. Le gouvernement algérien, dirigé par Abdelmadjid Tebboune dont la présidence est marquée par une faible popularité et une légitimité contestée depuis l’élection de 2019 applique une politique de contrôle culturel et médiatique à travers ses conseillers de la Présidence. Plusieurs auteurs associés à l’héritage littéraire d’Albert Camus ont fait l’objet d’attaques publiques ou de mesures judiciaires.

Kamel Daoud, journaliste et écrivain, auteur de Meursault, contre-enquête (2013), a été visé en mai 2025 par deux mandats d’arrêt internationaux émis par la justice algérienne, selon des sources judiciaires citées par la presse française. Ses ouvrages sont absents des salons du livre d’Alger depuis 2019.

Parallèlement, l’écrivain Rachid Boudjedra, reçu par le président Tebboune en juillet 2025, a qualifié, dans une émission télévisée d’État diffusée le même mois, Albert Camus et ses héritiers intellectuels de « réactionnaires » et de « harkis culturels », dans un discours aligné sur la rhétorique officielle de dénonciation du « néocolonialisme culturel ».

Dans ce climat, un tournage officiel sur le sol algérien d’un roman colonial français s’est révélé impossible, les autorisations de tournage étant soumises au ministère de la Culture et à la présidence.

Ainsi, l’adaptation cinématographique 2025 de L’Étranger d’Albert Camus, patrimoine algérien et troisième roman francophone le plus lu au monde, a été tournée à Tanger plutôt qu’à Alger conséquence d’un climat culturel verrouillé sous la présidence Tebboune, où même les symboles universels deviennent indésirables. Ironie du sort : L’Étranger de Camus est contraint de s’exiler à l’étranger.