Par Khaled Boulaziz
Ils n’ont pas négocié, ils ont livré la patrie sur un brancard, alimentée par la rente et la corruption. La junte militaire, qui confond l’État avec un coffre-fort, ouvre les entrailles du Sahara à ExxonMobil et Chevron, comme on vend un héritage avant même le deuil.
L’Algérie, jadis symbole de dignité, se réduit désormais à vendre son sous-sol au plus offrant, tandis que les empires déclinants cherchent de nouvelles dépendances.
Ils appellent cela des réformes et de l’attractivité : c’est en réalité un gage de souveraineté troqué contre la survie du pouvoir.
On nous dira qu’il faut des devises, que Sonatrach s’essouffle, que la transition impose d’extraire le reste. Mais c’est un mensonge habillé de rationalité.
Ce qu’on sacrifie, ce n’est pas un bilan financier, mais l’avenir hydrique : l’aquifère albien, réserve millénaire, sera exposé à la fracturation hydraulique, à la pollution et à la rareté.
Extraire du schiste dans le Sahara, c’est condamner les générations futures à la soif.
Les majors prétendent offrir technologie et capitaux, mais la véritable faiblesse du pays n’est pas technique : elle est politique.
La rente a remplacé la vision, et la gouvernance s’est dissoute dans le clientélisme.
Modifier le code minier pour offrir 80 % aux étrangers n’est pas moderniser, c’est hypothéquer la souveraineté.
ExxonMobil et Chevron n’agissent pas par philanthropie, mais pour ancrer l’Algérie dans la carte énergétique américaine, la lier par contrats, clauses et arbitrages.
Demain, quand les nappes seront contaminées à Ouargla, un cabinet d’avocats à Washington expliquera que “les droits des investisseurs” passent avant la santé du peuple.
C’est le néocolonialisme sous costume juridique.
Ils parlent de patriotisme mais confondent drapeau et uniforme. Ils invoquent la sécurité nationale mais oublient la première des sécurités : l’eau.
Ils vantent la modernité mais livrent les clés à ceux qui ne voient que des chiffres.
Fracturer le sol, c’est fracturer la société.
L’État se dit fort parce qu’il fore ; il est faible parce qu’il ne sait pas convaincre ni construire.
Pendant que le monde se bat pour son indépendance, la junte algérienne loue le Sahara à ceux qui pillent déjà d’autres nations.
Pauvreté d’âme et lâcheté : faire de la cupidité une politique.
On promet emplois et devises, mais qui gagne vraiment quand on détruit une ressource non renouvelable ?
On comptera les dollars et on oubliera les gouttes. Et demain, on paiera pour dessaler une mer qu’on a méprisée.
Une autre voie existe :
un moratoire sur le schiste, un audit public, la transparence totale des contrats, un débat national sur l’eau, une vraie stratégie solaire, une université libre, une justice indépendante, et la fin du système rentier.
Car la souveraineté n’est pas un mot, c’est un mécanisme de contrôle.
Qu’ils cessent d’invoquer le peuple comme prétexte.
Un peuple, on l’associe, on ne le trahit pas.
La dignité ne s’arbore pas, elle se construit.
L’Algérie n’est pas un terrain d’essai pour multinationales angoissées, mais une promesse de dignité.
Et cette promesse vaut bien plus que tous les contrats signés dans l’ombre des salons du pouvoir.
Khaled Boulaziz (in lanation.net)



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