Par Abdelkrim El-Khoussafi
Les relations entre la France et l’Algérie connaissent une nouvelle dégradation, marquée par une série de mesures décidées par Paris dans le cadre d’un durcissement de sa politique migratoire. Selon Paris Match, le ministre de l’Intérieur français, Bruno Retailleau, a ordonné l’application de restrictions visant plusieurs hauts responsables algériens. Objectif : contraindre Alger à coopérer au rapatriement de ses ressortissants en situation irrégulière, considérés comme menaçants par les services de sécurité français.
44 figures algériennes privées de privilèges diplomatiques
Quarante-quatre personnalités algériennes, issues des milieux politique, économique et militaire, ont vu leurs privilèges diplomatiques suspendus. Ces avantages leur permettaient jusque-là de séjourner en France pour des raisons médicales ou professionnelles. D’après des sources proches du dossier, ce chiffre pourrait rapidement grimper à 80, en fonction de la réaction d’Alger.
Pour Paris, il s’agit d’une réponse graduée face au refus persistant de l’Algérie de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires à l’expulsion de ses ressortissants en situation irrégulière. Le message est clair : pas de coopération, pas de privilèges.
Vers une remise en cause de l’accord migratoire de 1968 ?
Dans les cercles du pouvoir français, la question de la révision de l’accord bilatéral de 1968 est désormais posée. Cet accord accorde aux Algériens un statut migratoire spécifique, incluant la facilité de séjour, le regroupement familial et certains avantages sociaux. Plusieurs responsables politiques français dénoncent depuis longtemps cet accord, le jugeant inéquitable.
D’un blocage à l’affrontement direct
Ce n’est pas la première fois que la France tente de faire pression sur l’Algérie. En février, des mesures similaires avaient été annoncées sans réel impact. Les laissez-passer sont toujours bloqués, les expulsions rares. Le ton est aujourd’hui plus ferme, alors que les déclarations critiques de responsables algériens envers Paris se sont multipliées ces dernières semaines. Cette fois-ci, le ministère de l’Intérieur français semble avoir opté pour une confrontation directe.
Un entretien entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron était prévu pour faire le point sur cette crise, mais il aurait été reporté, selon France Info. L’Élysée, seul compétent pour modifier les accords internationaux, n’a pas encore pris position officiellement.
Riposte d’Alger : “Des mesures discriminatoires et arbitraires”
La réaction algérienne ne s’est pas fait attendre. Une source officielle du ministère des Affaires étrangères, citée par l’APS, a vivement critiqué les propos de Retailleau dans Le Figaro, notamment son intention de demander aux préfectures de ne plus reconnaître les passeports algériens délivrés par les consulats pour les demandes de titre de séjour.
Alger rappelle que la délivrance de passeports est un droit fondamental pour chaque citoyen algérien et une prérogative souveraine de l’État. Refuser de reconnaître ces documents constituerait, selon elle, une atteinte aux droits individuels et une violation du droit français lui-même, car ce sont souvent les préfectures qui exigent ces passeports pour compléter les dossiers.
Toutefois, l’Algérie passe sous silence le fait qu’elle prive elle-même de nombreux membres de sa diaspora du renouvellement de leurs passeports, notamment en représailles contre les opposants au régime.
La déclaration de Retailleau a été qualifiée de “discriminatoire, arbitraire et politiquement motivée”, et Alger estime qu’elle peut être contestée sur le plan juridique.
Vers une crise durable ?
L’escalade se poursuit entre les deux capitales. Sur fond de tensions migratoires, les relations franco-algériennes prennent une tournure de plus en plus conflictuelle. Alors que le dialogue semble rompu, le bras de fer diplomatique s’intensifie autour d’enjeux aussi sensibles que l’immigration, la souveraineté nationale, la coopération sécuritaire et désormais les accords historiques.
Une chose est certaine : le dossier ne relève plus uniquement du ministère de l’Intérieur. Il est devenu profondément politique et hautement stratégique. La suite se jouera entre l’Élysée et le palais d’El Mouradia.
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