Par Nour-Eddine Boukrouh

La nuit de ce 1er novembre 2025 a été la plus mauvaise de toutes celles que nous avons célébrées depuis l’Indépendance. Elle a été cauchemardesque pour beaucoup d’Algériens qui n’ont pas trouvé le sommeil à cause de cette sensation de défaite au retentissement planétaire, de cette impression avons été jugés par la communauté internationale et condamnés à la déchéance de la qualité d’État membre de l’ONU, au retrait de la nationalité et du passeport assorti d’une Interdiction de sortie du territoire national (ISTN)… Des peines que nous connaissions individuellement mais pas collectivement.

Toutes les voix du Conseil de sécurité étaient contre nous, aucune ne s’est opposée au « Plan d’autonomie » marocain, pas même la nôtre. Néanmoins, je ne joindrai pas ma voix à celle des inquisiteurs qui cherchent des boucs émissaires. J’essayerai plutôt d’expliquer pourquoi nous n’avons pas vu le mur devant nous alors qu’il était là depuis au moins les années 1980 quand j’ai personnellement commencé à alerter sur sa présence dans mes écrit. Ce n’est pas comme dans le film « Titanic » où l’iceberg n’est devenu visible qu’à quelques mètres de la catastrophe.

Le Polisario et nous avons manqué de jugeote dans ce dossier où l’intelligence et le courage ont joué un grand rôle. Je ne parle pas du courage de l’inconscience qui est fort répandu chez nous (le zaddamisme), ni de la courte vue ( à travers le voile dit « bou’wina ») présentée comme le summum de l’acuité visuelle. Je parle du sens de l’anticipation des évènements et de l’analyse pertinente des causes et de leurs effets.

Le Maroc a gagné la partie parce qu’il a alterné audace et intelligence selon ce que suggéraient les circonstances et les opportunités. Son idée de « marche verte » a innové en matière de conquête territoriale. On l’a jugeait « folle », elle s’est avérée être une idée de génie. Il s’est emparé de Laâyoun sous les yeux du monde entier sans tirer ou recevoir une balle. Puis, pour vite régulariser sa situation, il négocia avec l’Espagne et la Mauritanie un partage du Sahara occidental.

Cette deuxième idée donna naissance à l’Accord de Madrid qui entérina le fait accompli et répartit les responsabilités sur les trois comparses. Le Maroc n’était plus seul face à l’opinion internationale et il n’y avait plus 1 Sahara occidental occupé par lui seul (Laâyoun), mais deux Sahara et deux occupants, lui et la Mauritanie (Dakhla). Tout cela en quelques mois de l’année 1975.

En 1979 la Mauritanie déclare forfait face à la résistance armée du Polisario et négocie avec lui la rétrocession de la partie du territoire qu’elle avait occupé. Prenant tout le monde de court, le Maroc envoie son armée à Dakhla et en prend rapidement le contrôle. C’était une agression contre la Mauritanie et la RASD à la fois et une deuxième annexion du Sahara occidental, mais l’affaire passa comme une lettre à la poste.

Les années passèrent pendant lesquelles le Maroc édifia « le mur de sable » pour fortifier le « Sahara utile », laissant une étroite bande frontalière avec l’Algérie au Polisario. Parallèlement, il ouvrit des négociations avec lui pour lui faire croire à la possibilité d’un référendum qu’il s’employait discrètement à rendre impossible en déplaçant des populations marocaines vers les territoires sahraouis. Un cessez-le-feu fut signé en 1991 qui instaura une situation de ni paix ni guerre et permit l’échange de prisonniers. Le Roi Hassan II gagnait à tous les coups. Le problème se transforma en « conflit gelé » et le demeura durant 16 ans.

En 2007 le Maroc de Mohammed VI lance une nouvelle idée : soumettre au Secrétariat général de l’ONU une proposition de sortie de crise que le Polisario s’empressa de rejeter ai lieu de lui opposer une alternative, un autre plan ou une autre idée. Le Maroc allait ainsi bénéficier d’un répit de 18 autres années passées à gagner un à un les ralliements à son « Plan d’autonomie » présenté comme unique solution possible. Il promût une nouvelle notion juridique, la « marocanité du Sahara », stratagème qui connût son apogée avec la décision de Trump à quelques semaines de quitter la Maison blanche en échange de la normalisation avec Israël . Le nombre de pays reconnaissant individuellement la « marocanité du Sahara » ne cessa de monter jusqu’à atteindre les deux-tiers des pays membres de l’ONU.

Hier, le Maroc a vu son audace et son sens de l’opportunité récompensés par un vote unanime du Conseil de sécurité qui reconnaissait la crédibilité de son « Plan d’autonomie » tout en laissant à l’autre partie une petite chance de trouver une solution agréant aux deux. Cette dernière chance est le fruit des ultimes efforts de l’Algérie.

Le Front Polisario n’a plus qu’à se mettre au travail pour concevoir une proposition réaliste car le statut quo et l’inflexibilité ne lui seront pas favorables. Elle se situe quelque part entre un peu plus d’autonomie et un peu moins d’indépendance en s’en remettant à Allah pour la suite comme aiment à dire les Musulmans… Trump est encore là pour trois ans, et il ne sera pas difficile de trouver des « interlocuteurs valables » autres que lui avec qui conclure la paix dans les délais impartis (1 an).

L’Algérie, quant à elle, aura fort à faire dans les prochains mois et années pour protéger son intégrité territoriale aussi bien au Nord qu’au Sud des convoitises qui se multiplient.