Le quotidien Le Soir d’Algérie a rapporté que les autorités algériennes ont suspendu le passeport biométrique de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, l’obligeant pratiquement à utiliser son passeport français et à obtenir un visa pour entrer dans son pays natal.

Cette décision fait suite à ses récentes déclarations qualifiées de « provocantes », seulement quelques jours après sa sortie de prison le 12 novembre, dans le cadre d’une grâce présidentielle demandée par le président allemand Frank-Walter Steinmeier, à un moment de tensions politiques marquées entre Alger et Paris, où les relations connaissent des fluctuations depuis plus d’un an.

Boualem Sansal est apparu lors de sa première sortie télévisée sur France 2, présentant son récit personnel d’une année passée en quasi-isolement dans une prison algérienne, dans des conditions qu’il a qualifiées de difficiles malgré les soins médicaux reçus suite au diagnostic d’un cancer de la prostate. Il a précisé avoir choisi ses mots avec précaution pour protéger sa famille, évoquant également la détention de prisonniers politiques, dont le journaliste français Christophe Gilliez, arrêté depuis mai 2024, un des principaux points de tension entre Paris et Alger.

Dans une longue interview accordée au journal Libération, Sansal a détaillé sa période d’emprisonnement, évoquant la violence de certains détenus et les mauvais traitements dans les premiers jours, avant de bénéficier d’un « traitement spécial » à partir du début de son traitement médical. Il a raconté avoir partagé une cellule étroite avec un détenu nommé Monir, qui s’est révélé être un ancien policier l’aidant dans la vie quotidienne.

Sansal a également évoqué la confiscation de son téléphone et de son ordinateur lors de son arrestation, ainsi que son interrogatoire sur ses relations en France, notamment avec l’ancien diplomate Xavier Driancour, connu pour ses critiques envers le régime algérien. Il a indiqué que sa détention avait été décidée par le général Abdelkader Haddad, ancien chef du service de sécurité intérieure, qui a été ultérieurement révoqué et s’est réfugié en Espagne, estimant que le président Tebboune s’était retrouvé dans une « position embarrassante » suite aux protestations de Paris.

Concernant les accusations d’ »terrorisme » et de « atteinte à la sûreté de l’État », Sansal a qualifié ces charges de « très lourdes », soulignant que les enquêteurs eux-mêmes n’avaient trouvé aucune preuve concrète, et que sa visite en Israël en 2012 avait été utilisée contre lui malgré une invitation d’un ami palestinien. Il a aussi évoqué ses positions passées sur les islamistes, expliquant que l’essor de ce courant dans les années 1970 avait bouleversé sa vie et poussé sa famille à quitter le pays, affirmant qu’il refuse toute autocensure malgré la polémique que ses propos pourraient susciter.

Le dossier de Sansal est devenu une affaire politique sensible depuis sa condamnation à cinq ans de prison pour « atteinte à l’unité nationale » et « menace à la sécurité de l’État », à la suite de déclarations à une chaîne française sur des questions historiques liées au Sahara oriental, suscitant un large débat en Algérie compte tenu de sa stature littéraire et de ses critiques envers le pouvoir.

Sa libération a été accordée après l’approbation du président algérien Abdelmadjid Tebboune à la demande des autorités allemandes le 10 novembre 2025, en tenant compte de son état de santé et de son âge avancé, Berlin assurant son transfert dans le cadre d’une coopération humanitaire.