Le gouvernement malien a annoncé, jeudi 4 septembre 2025, avoir saisi la Cour internationale de Justice (CIJ) contre l’Algérie, après la destruction d’un drone de reconnaissance des Forces armées et de sécurité du Mali dans la nuit du 31 mars au 1er avril à Tinzaouatine, dans la région de Kidal.
Dans un communiqué officiel (n°079) signé par le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Abdoulaye Maïga, Bamako accuse Alger d’avoir procédé à une « destruction préméditée » de l’appareil, immatriculé TZ-98D, et affirme que l’incident s’est produit en territoire malien. Les autorités dénoncent une « violation manifeste du principe de non-recours à la force », invoquant la Charte des Nations unies, l’acte constitutif de l’Union africaine et le Pacte de non-agression et de défense commune.
Une escalade bilatérale
Selon Bamako, l’objectif de cette frappe était d’« entraver la neutralisation des groupes armés terroristes ». Le communiqué accuse directement Alger de « collusion » avec ces groupes, franchissant un seuil inédit dans la détérioration des relations entre les deux pays.
En portant l’affaire devant la CIJ, les autorités maliennes cherchent à internationaliser le différend et à obtenir une reconnaissance juridique de ce qu’elles qualifient d’« agression ». Reste à savoir si la requête sera jugée recevable et quelles preuves concrètes Bamako pourra produire.
La riposte algérienne
Alger rejette catégoriquement ces accusations. Le ministère algérien de la Défense affirme avoir abattu « un drone de reconnaissance armé de type Akıncı, de fabrication turque », qui aurait pénétré l’espace aérien algérien à Tinzaouatine, « à environ deux kilomètres de profondeur », tout en adoptant une trajectoire offensive.
L’armée algérienne affirme détenir des preuves radar de cette violation et rappelle que l’appareil avait été repéré à plusieurs reprises en 2024. Pour Alger, il s’agit d’un acte de légitime défense, illustrant la « vigilance et la disponibilité permanente » de l’Armée nationale populaire.
Une crise diplomatique ouverte
L’affaire a aussitôt pris une tournure politique. Le Mali, le Niger et le Burkina Faso – réunis au sein de l’Alliance des États du Sahel – ont rappelé leurs ambassadeurs à Alger. L’Algérie a riposté par la même mesure.
Le ministère algérien des Affaires étrangères a dénoncé des « allégations mensongères » et accusé la junte malienne de rechercher un « bouc émissaire » à son échec sécuritaire et économique.
Cette crise survient dans un climat déjà chargé : en janvier 2025, Bamako avait unilatéralement dénoncé l’Accord de paix d’Alger de 2015, accusant son voisin d’« actes hostiles ». L’Algérie avait alors convoqué l’ambassadeur malien et réaffirmé son rôle de médiateur pour l’unité du Mali.
Un clivage régional accentué
Ce nouvel épisode illustre le fossé croissant dans le Sahel entre, d’un côté, les régimes militaires du Mali, du Niger et du Burkina Faso, qui privilégient une approche sécuritaire et souverainiste, et, de l’autre, l’Algérie, qui revendique une tradition de médiation et de dialogue.
Le recours malien à la CIJ intervient alors qu’Alger accueille le Salon du commerce intra-africain (IATF 2025), rendez-vous majeur pour l’intégration économique du continent. Certains observateurs y voient une manœuvre de Bamako destinée à détourner l’attention de cet événement stratégique.
Une coopération régionale fragilisée
Au-delà de l’affrontement juridique, ce bras de fer risque d’aggraver les fractures au sein du Sahel et de compliquer la lutte collective contre les groupes armés. Dans une région déjà secouée par les coups d’État et l’instabilité chronique, la judiciarisation du conflit entre Bamako et Alger apparaît comme un nouvel obstacle à toute dynamique de coopération régionale.
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