Khaled Boulaziz

La région du Maghreb est plongée dans une course à l’armement sans précédent, une dynamique qui absorbe des milliards et ravive une rivalité ancienne entre l’Algérie et le Maroc. À elles deux, ces puissances régionales ont consacré près de 48 milliards de dollars à leurs budgets militaires, au moment même où leurs populations réclament des investissements urgents dans la santé, l’éducation et l’économie.

L’Algérie continue de renforcer son arsenal en s’appuyant sur l’industrie militaire russe. Elle ambitionne d’acquérir le Sukhoï 57, un appareil de dernière génération censé garantir une supériorité aérienne dans un environnement marqué par les menaces du Sahel, l’instabilité libyenne et la vulnérabilité des vastes frontières désertiques. Le Maroc, de son côté, tourne son regard vers Paris et Washington pour moderniser sa flotte aérienne et espère intégrer les derniers modèles du Mirage dans sa stratégie défensive liée au dossier du Sahara occidental.

Les budgets militaires atteignent des niveaux spectaculaires. L’Algérie consacre plus de 25 milliards de dollars à la défense, tandis que le Maroc s’approche des 23 milliards de dollars, ce qui les place parmi les plus grands investisseurs africains dans le domaine militaire. Et pendant que les arsenaux se remplissent, l’inquiétude grandit parmi les citoyens qui voient dans ces dépenses massives une occasion manquée de financer les priorités sociales.

Chaque pays avance des arguments sécuritaires. L’Algérie évoque les risques persistants au Sahel, les tensions à la frontière libyenne et l’immensité de son territoire. Le Maroc met en avant la nécessité de garantir son contrôle sur les provinces sahariennes et de répondre aux opérations menées par le Front Polisario dans les zones tampons.

Cependant, au-delà des discours officiels, la réalité demeure celle d’une rivalité structurelle, alimentée par des décennies de méfiance et de tensions politiques. Et l’accumulation d’armements n’a jamais été un facteur de stabilité durable.

Les pays voisins observent cette escalade avec appréhension. La Mauritanie, la Libye, la Tunisie et le Niger redoutent que la moindre étincelle ne transforme le désert en champ de bataille, avec des répercussions transfrontalières sur les tribus, les routes commerciales et les équilibres sociaux qui traversent la région.

Le vrai danger ne réside peut-être pas dans une offensive militaire, mais dans l’incapacité des deux pays à dépasser leurs différends. L’histoire a montré que les rivalités alimentées par l’accumulation d’armes finissent soit par une confrontation directe, soit par un affaiblissement mutuel.

C’est pourquoi plusieurs voix appellent à un dialogue franc et immédiat pour éviter un basculement irréversible. Dans ce contexte, préserver la paix n’est plus une simple option, mais une nécessité vitale pour l’avenir du Maghreb.