Washington s’attaque au Polisario : un projet de loi américain pour le classer organisation terroriste et lui imposer des sanctions

Dans un développement significatif illustrant un changement de paradigme dans la position des États-Unis sur le dossier du Sahara marocain, deux membres influents du Congrès américain, le sénateur républicain Joe Wilson et le représentant démocrate Jimmy Panetta, ont présenté un projet de loi visant à imposer des sanctions sévères au Front Polisario, soutenu par l’Algérie, et à le classer comme organisation terroriste étrangère, tout en l’accusant de violations graves des droits humains au titre du Magnitsky Act.
Le Polisario dans le collimateur américain
Le projet de loi place désormais le Front Polisario sous le feu des projecteurs américains, non plus seulement comme un mouvement séparatiste armé, mais comme un acteur militaire aux liens troubles avec des États et organisations considérés comme terroristes, au premier rang desquels figurent l’Iran, le Hezbollah libanais, les Gardiens de la révolution iraniens et le PKK.
Selon les auteurs du texte, le Polisario – né en 1973 – mène des activités séparatistes armées dans la région du Sahara, bénéficiant d’un appui logistique et financier constant de la part de l’Iran. Ce soutien remonte, selon eux, aux années 1980, lorsque des combattants du Polisario ont été photographiés brandissant des portraits de l’ayatollah Khomeiny, dans une tentative de s’inscrire dans une logique « révolutionnaire » et de séduire Téhéran.
Hezbollah et drones iraniens à Tindouf
Selon le magazine Jeune Afrique, trois membres du Hezbollah auraient formé des combattants du Polisario dans les camps de Tindouf en 2018. L’un d’eux a été tué en novembre 2023 lors d’une frappe israélienne en Syrie. Il figurait sur la liste des sanctions américaines pour son implication dans l’attaque de Karbala en 2007, qui avait coûté la vie à cinq soldats américains.
Le soutien iranien n’est plus seulement idéologique ou tactique. Il est devenu militaire et technologique. En 2022, le « ministre de l’Intérieur » de la soi-disant « RASD », Omar Mansour, a reconnu publiquement que ses hommes étaient formés à l’assemblage et à l’utilisation de drones armés. L’année suivante, des images diffusées sur les réseaux sociaux affiliés au Polisario montraient des munitions de fabrication iranienne, identifiées comme telles par des experts en armement à partir de sources ouvertes.
En avril 2025, The Washington Post révélait que l’Iran avait fourni au Polisario des drones et assuré leur formation, un fait alarmant pour de nombreux observateurs. Le journal américain signalait également la participation de la branche syrienne du PKK – organisation terroriste reconnue – au « Sommet de solidarité sahraouie » organisé dans les camps de Tindouf début janvier 2025.
Vers une classification terroriste et des sanctions ciblées
L’article 3 du projet de loi stipule que, dans un délai de 180 jours après son adoption, le secrétaire d’État américain devra soumettre au Congrès un rapport détaillé sur la structure du Polisario, ses opérations militaires, ses sponsors étrangers, et ses liens avérés avec l’Iran, la Russie, le Hezbollah, le Corps des Gardiens de la révolution iranienne et le PKK. Le rapport devra également évaluer si le Polisario a déjà délibérément visé des civils dans ses attaques.
L’article 4, quant à lui, impose au secrétaire d’État ainsi qu’au secrétaire au Trésor de remettre, dans un délai de 90 jours, des rapports justifiant si le Polisario répond aux critères de désignation comme organisation terroriste étrangère (au titre de l’article 219 du Code américain de l’immigration), et si des sanctions doivent être prises dans le cadre du Magnitsky Global Act, qui permet aux États-Unis de geler les avoirs et d’interdire toute relation financière avec les entités responsables de violations graves des droits humains.
Une porte de sortie : l’adhésion au plan d’autonomie
Malgré sa tonalité ferme, le projet de loi ménage une clause d’exception. Son article 5 stipule que le président américain pourra suspendre les sanctions et la désignation du Polisario si ce dernier s’engage de bonne foi dans un processus de négociation visant à mettre en œuvre le plan d’autonomie proposé par le Royaume du Maroc en 2007 devant le Conseil de sécurité, lequel accorde aux populations sahraouies une large autonomie dans le cadre de la souveraineté marocaine.
Analyse politique : un tournant stratégique
Ce projet de loi intervient dans un contexte international marqué par une reconnaissance croissante de la proposition marocaine d’autonomie et un affaiblissement progressif du discours séparatiste porté par le Polisario. Il traduit également l’inquiétude de Washington face à l’expansion du réseau d’influence iranien en Afrique du Nord.
Si le Congrès adopte cette législation et que le Front Polisario est officiellement inscrit sur la liste des entités terroristes, cela pourrait bouleverser l’équilibre des forces dans le dossier du Sahara, en renforçant la position diplomatique du Maroc et en affaiblissant durablement la légitimité internationale du Polisario.