Docteur sieste fait encore parler d’elle. De manière scandaleuse, évidemment, comme toujours. Après, sa candidature controversée aux élections législatives de 2017, la sieste du Hirak 2020, ses relations douteuses avec la lie des officiers et sous-officiers des différents services de sécurité, cette polyandre défraye de nouveau la chronique.

Par Hichem Elkhoussafi

Le scandale qui éclabousse aujourd’hui Ibtissam Hamlaoui, présidente du Croissant-Rouge algérien (CRA) et du Conseil national de la société civile, dépasse largement le cadre d’un simple abus de pouvoir. Les révélations de deux anciens cadres de l’institution humanitaire donnent à cette affaire l’ampleur d’un véritable dossier d’État, soulevant une question centrale : de quelles protections bénéficie Hamlaoui pour agir ainsi en toute impunité ?

Des témoignages glaçants qui secouent l’opinion

Deux témoignages, rendus publics ces derniers jours, décrivent un système de représailles, d’intimidation et de harcèlement imputé à la haute responsable.

La première à rompre le silence est Hadjer Zitouni, ex-directrice de la communication du CRA. Elle affirme avoir été victime d’humiliations répétées, d’agressions verbales et de harcèlement, avant d’être ciblée – selon son récit – par une machination impliquant justice et services de sécurité.

Arrêtée et placée en garde à vue à la BRI de Bir Mourad Raïs, elle raconte avoir été privée d’eau et de nourriture durant cinq jours, contrainte de se dévêtir, ne survivant qu’en “buvant l’eau des toilettes”. Jugée pour prétendue “diffusion d’informations calomnieuses” contre Hamlaoui, elle aurait été condamnée lors d’un procès expéditif, sans possibilité de défense. Elle assure même avoir été agressée physiquement en prison sur instruction présumée de Hamlaoui.

Ce récit fait écho au scandale encore récent de l’affaire du général “El Djinn”, classé secret d’État, révélant un climat institutionnel où les dérives d’autorité semblent se multiplier.

Le second témoignage est celui de Yacine Benchattah, ex-responsable du bureau du CRA à Skikda. Après avoir dénoncé des irrégularités financières et des abus de gestion, il affirme avoir subi arrestation arbitraire, torture, humiliations et harcèlement judiciaire. Il décrit des actes de représailles relevant “d’une vengeance personnelle”, attribuée à Hamlaoui, qui userait de son influence pour activer l’appareil judiciaire et sécuritaire contre ses détracteurs.

Une puissance difficile à expliquer Depuis 2022, Ibtissam Hamlaoui cumule les fonctions stratégiques au sein d’organismes censés représenter la morale civile et l’indépendance de la société civile. Comment une responsable à la tête d’une institution humanitaire peut-elle disposer d’un tel pouvoir répressif ?

Pour de nombreux observateurs, une telle protection ne peut venir que d’un appui politique au plus haut niveau. Des rumeurs persistantes évoquent une proximité avec des sphères décisionnelles du régime, ce qui expliquerait sa longévité, son influence et la neutralisation systématique de toute contestation interne.

Appels à une enquête indépendante

Ces accusations, jugées trop graves pour rester sans suites, ont conduit plusieurs figures respectées – dont les juristes Boujemâa Ghéchir et Abdessalam Bachagha – à exiger la création d’une commission d’enquête impartiale et transparente.

“Il faut établir les faits, protéger les victimes et restaurer la crédibilité de nos institutions civiles”, plaide l’un d’eux.

Face au tollé, Ibtissam Hamlaoui garde le silence, fidèle à sa stratégie de non-communication. Elle applique à la lettre la stratégie du système qui l’a fait naître. Mais la pression monte. Après l’emprisonnement controversé de l’écrivaine Salima Mellizi, consécutif à une plainte déposée par Hamlaoui, ces révélations renforcent l’image d’une figure autoritaire et intouchable, symbole d’une inquiétante dérive morale et institutionnelle.

Tant qu’aucune lumière ne sera faite sur ces allégations, la suspicion d’impunité demeurera, fragilisant profondément la confiance du public dans les institutions censées incarner solidarité, humanisme et protection des plus vulnérables.

 

La question reste entière : Ibtissam Hamlaoui est-elle protégée par des cercles du pouvoir, ou le système lui-même encourage-t-il ces dérives ?