Algérie

Le Festival d’Avignon, RSF et la FFF exigent la libération de Christophe Gleizes, otage du contre-espionnage algérien

Par: Abderrahmane Fares

En plein Festival d’Avignon, l’indignation enfle autour de l’incarcération du journaliste sportif français Christophe Gleizes, 36 ans, condamné le 29 juin dernier à sept ans de prison par le tribunal de Tizi Ouzou (Algérie) pour « apologie du terrorisme » et « possession de publications à visée de propagande portant atteinte à l’intérêt national ». Collaborateur régulier des magazines So Foot et Society, il s’était rendu à Tizi Ouzou en mai 2024 pour un reportage sur le club phare de la région, la JS Kabylie.

Ce mercredi 16 juillet 2025, en plein cœur du Festival d’Avignon, des proches de Christophe Gleizes, soutenus par Reporters sans frontières (RSF), ont organisé une marche silencieuse en son soutien. Partie du Carmel à 10h30, la procession s’est dirigée vers le Palais des Papes derrière une banderole : « Le journalisme n’est pas un crime ». Le lieu n’a pas été choisi au hasard : dans ce haut-lieu de la liberté artistique, cette action visait à rappeler que Gleizes, lui, est détenu pour avoir enquêté. « Chaque jour sans lui est une douleur », a déclaré son frère Maxime Gleizes. Jugée infondée et disproportionnée par RSF, sa condamnation a déjà suscité une vague de mobilisation. Une centaine de personnalités, dont Catherine Deneuve, Michel Hazanavicius, Nicolas Mathieu, Hervé Renard ou encore la Fédération française de football, appellent à sa libération. Une pétition lancée par RSF a recueilli plus de 17 000 signatures. Le directeur de l’organisation, Thibaut Bruttin, dénonce « la peine la plus lourde infligée à un journaliste français depuis plus de dix ans » et exhorte les autorités françaises à intensifier la pression diplomatique.

Les autorités algériennes lui reprochent des entretiens menés entre 2015 et 2021 avec Aksel Bellabaci du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), classé terroriste par Alger en 2021, mais non reconnu comme tel par l’UE ou les États-Unis. Mais selon plusieurs sources concordantes, son véritable “délit” est d’avoir enquêté sur l’assassinat du joueur Camerounais de la JSK, Albert Ebossé et dont il prévoyait d’en parler dans son prochain livre. Une mort attribuée à l’ex-chef du contre-espionnage Abdelhamid Ali Bendaoud, selon les révélations de Hichem Aboud et une enquête indépendante. L’autopsie camerounaise et les vidéos d’archives révélés par l’enquête montrent qu’Ebossé a été abattu par des agents en uniforme, dans le tunnel du stade. Ce scénario d’exécution ciblée contredit frontalement la version officielle algérienne, qui évoque un projectile lancé depuis les gradins. Ces révélations et cette enquête suggèrent que Christophe Gleizes est devenu l’otage d’une affaire d’État et sécuritaire, comparable à celle des moines de Tibhirine. Dans un tel contexte, la pression diplomatique s’avère inopérante : seules la mise en cause publique et directe -nommément- des officiers des services algériens impliqués, la mobilisation des services de renseignement français, et la saisine de juridictions internationales peuvent briser le verrou sur cette affaire.

Christophe Gleizes se trouvait en Algérie avec un simple visa touristique. Il a été interpellé sous ce prétexte alors qu’il photographiait le stade de Tizi-Ouzou. La symbolique est forte: son interpellation dans le lieu même de la mort d’Ebossé est un message à peine voilé envoyé par le contre-espionnage algérien à leurs homologues français. Selon les autorités algériennes, la prise de photos d’un site aussi “sensible” aurait nécessité un visa de presse, que les services algériens refusent systématiquement aux journalistes étrangers jugés “trop questionnants” ou “critiques”. Ce sont les fouilles effectuées sur son téléphone -messagerie et photos- qui ont ensuite servi de base aux inculpations. Placé sous contrôle judiciaire pendant treize mois, contraint de pointer plusieurs fois par semaine au commissariat central d’Alger, avant d’être jugé à huis clos, le 29 juin 2025, par le tribunal de Tizi Ouzou. Il a été condamné à sept ans de prison ferme, avec mandat de dépôt immédiat, pour « apologie du terrorisme » et « possession de publications dans un but de propagande nuisant à l’intérêt national ». Il a fait appel de sa condamnation, mais un éventuel nouveau procès ne pourrait avoir lieu avant la session criminelle d’octobre 2025.

 

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