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Par : Amina Ibnou-Cheikh

Dans l’introduction de son échange avec les jeunes de la Génération Z, Boubker Jamaï les qualifie de « natifs du numérique », exprimant à leur égard une forme d’admiration mêlée de prudence et de respect, en les considérant comme une génération nouvelle dotée de ses propres outils de communication et de connaissance. Cependant, cette prudence et ce respect ne s’étendent pas, semble-t-il, aux véritables autochtones de cette terre : les Amazighs.

Car Jamaï, qui prône le respect de « l’authenticité numérique », ne trouve aucun inconvénient à nier l’authenticité historique et culturelle des Amazighs. Il va même plus loin en affirmant que la reconnaissance de la langue amazighe aurait été imposée « d’en haut », c’est-à-dire par l’institution royale. Or, en réalité, il s’agit d’une revendication populaire profondément enracinée, née de la conscience collective de ce peuple et portée depuis des décennies par son mouvement culturel et citoyen.

L’amazighité n’a jamais été imposée d’en haut. Sa voix s’est élevée du cœur du peuple : des villages, des montagnes, des plaines, des universités et de la rue. Elle a fini par atteindre le roi Mohammed VI, qui, dès son accession au trône, fut parmi les premiers à reconnaître l’identité amazighe du Maroc et à en faire un élément constitutif de la nation.

La réponse du Souverain à cette question traduit une conscience stratégique de son rôle de roi de tous les Marocains, œuvrant à une réconciliation profonde avec l’identité nationale. Car, à une époque où les partis politiques demeuraient sourds au pouls de la société, le roi fut à l’écoute de cette voix populaire, celle de la majorité marginalisée — la voix de l’amazighité — perçue non pas comme un simple dossier linguistique ou culturel, mais comme une cause nationale et fédératrice.

Le discours et la position de Jamaï ne m’ont guère surprise. Nous connaissons bien ce type d’intellectuels modernistes qui parlent de démocratie et de droits humains, mais qui, dans la pratique, perpétuent des comportements d’exclusion et de mépris.

Ce qui m’a, en revanche, profondément choquée, c’est l’attitude de certains jeunes de la Génération Z eux-mêmes — les utilisateurs de la plateforme Discord. Sans vouloir généraliser, certains d’entre eux ont fait preuve d’un racisme et d’une exclusion flagrants envers un jeune Amazigh, dont le seul « tort » fut d’exprimer sa fierté pour sa langue, son identité et sa patrie. Il fut exclu sans motif valable, sans protestation ni excuses de la part des autres participants.

Quel espoir pouvons-nous placer dans une génération censée incarner l’ouverture et le changement, si elle reproduit les mêmes comportements d’exclusion que ceux contre lesquels nous nous sommes insurgés hier ? Les Amazighs doivent-ils donc affronter les anciens de la politique dans le monde réel, puis les jeunes de la politique dans le monde virtuel ?

Sommes-nous réellement libérés du complexe de supériorité culturelle, ou avons-nous simplement changé la forme et la langue de ce même discours ?

Ce qui s’est produit ne doit pas passer sous silence. Le problème n’est plus seulement celui de l’ancienne génération, mais bien celui de la reproduction, par les nouvelles, d’une mentalité d’exclusion, dissimulée sous les slogans séduisants de liberté, d’égalité, de pluralisme et d’ouverture.

Cet incident, et d’autres similaires, nous obligent tous — élites, médias et institutions — à repenser le discours dominant sur la question amazighe. L’amazighité n’est pas un simple dossier culturel accessoire, mais une composante essentielle pour construire un État de citoyenneté et d’égalité.

Les intellectuels, les journalistes et les responsables politiques qui se réclament de la démocratie doivent avoir le courage de reconnaître que la justice linguistique et culturelle est indissociable de la justice politique.

Quant à la nouvelle génération, qui se targue d’être celle de l’Internet, elle doit prouver qu’elle est avant tout la génération de la conscience et non celle de la répétition, et que la liberté qu’elle revendique ne se bâtit pas sur l’exclusion de l’autre, mais sur la reconnaissance mutuelle et le respect profond entre citoyens et envers la patrie.