Hicham Abboud sous la surveillance attentive des autorités de l’Union européenne et françaises

Dans une démarche marquante de soutien international, Hicham Abboud, journaliste et critique du régime militaire algérien, a reçu cette semaine le soutien du ministre de l’Intérieur français, de l’Union européenne et des services de sécurité français, témoignant de l’intérêt croissant porté à son dossier par l’opinion publique mondiale, trois mois après la prise de position du Parlement espagnol.
Les trois lettres officielles de hauts responsables
Le 17 février 2025, un courrier du ministère français de l’Intérieur, publié par Hicham Abboud sur sa chaîne YouTube le 24 février 2025, confirme que le ministre Bruno Retailleau a été informé de la diffusion sur internet d’une vidéo incitant à tuer et mutiler Abboud.
La lettre, signée par Louis-Marie Leroy, directeur du cabinet du ministre Bruno Retailleau, exprime clairement que le ministre a manifesté « son soutien total » à Abboud et a transmis le dossier au directeur général de la police nationale pour « examen ». Le courrier a également été adressé à la direction générale de la sécurité intérieure afin qu’elle « soit informée des faits ».
L’Union européenne a répondu aux préoccupations de M. Abboud le 18 février 2025 par une lettre de Colin Steinbach, chef de la division Afrique du Nord au Service européen pour l’action extérieure, reconnaissant la réception du courrier d’Abboud et précisant que son dossier est « suivi avec attention ». Le courrier souligne que l’Union européenne « suit de près la situation des droits de l’homme en Algérie », insistant sur l’importance de ces droits dans les relations entre l’UE et l’Algérie, conformément à l’accord de partenariat entré en vigueur en 2005 et actuellement révisé par l’Algérie dans un contexte de tensions politiques croissantes et de critiques européennes.
Cette vague de soutien intervient après que le Parlement espagnol, le 23 janvier 2025, a confirmé que les enquêtes sur l’enlèvement d’Abboud à Barcelone se poursuivent sous la direction des magistrats d’instruction de Lebrija (Séville) et Barcelone, avec la participation de la garde civile et des services de renseignement espagnols. Selon des documents parlementaires, six députés du parti conservateur Vox, dirigés par Francisco Javier Ortega Smith Molina, ont posé des questions écrites concernant une tentative de transfert en haute mer à bord d’un yacht, visant à remettre Abboud aux services de renseignement algériens. Après un retournement des événements, Abboud, enlevé le 17 octobre 2024 vers 23h à Barcelone, a été retrouvé par la garde civile espagnole à Lebrija (Séville) après seulement 23 heures, lors d’une opération initialement suspectée de trafic de drogues. Il a été retrouvé attaché, torse nu, alors qu’il était monté à bord d’un bateau fluvial. Les autorités espagnoles ont pu relier sa disparition à Barcelone à sa découverte à Lebrija, distante de 900 km, grâce au déclenchement du système d’alerte policière. Deux suspects ont été arrêtés et l’enquête est en cours. Nadia Bajaron, porte-parole de l’Union policière espagnole, a salué l’efficacité du système d’alerte et de la coordination nationale, régionale et européenne.
Stratégies de désinformation et tentatives de déstabilisation
À noter que, mis à part Anouar Malek et Ferhat Mehenni qui ont rapidement tiré la sonnette d’alarme après la disparition d’Abboud et informé son avocat Dalil Sougali, de nombreux médias pro-régime militaire algérien ont nié dans un premier temps l’enlèvement, le qualifiant de « film indien ». Parmi ces sites figure AlgeriePatriotique (classé comme conspirationniste par l’organisation ConspiracyWatch), lié à Lotfi Nezzar (fils de Khaled Nezzar, lui-même accusé de crimes de guerre et crimes contre l’humanité devant la justice suisse), ainsi que des youtubeurs comme Mohamed Arabi Zitout, Saïd Ben Sedira et Kouch Laraj.
Quelques heures après la libération d’Abboud vers 22h le 18 octobre 2025, et suite à la publication d’articles dans la presse officielle espagnole confirmant l’enlèvement, ces médias ont rapidement changé de ton, accusant le Maroc d’être à l’origine de l’opération. Ils ont aussi détourné des propos de Nadia Bajaron sur le site Rue20, prétendant faussement qu’Abboud est marocain. Cette dernière a démenti officiellement ces affirmations.
Par ailleurs, Abdo Smar a signalé très tôt l’enlèvement d’Abboud sans avoir été en contact avec ses proches ni avec Maître Dalil Sougali, soulevant deux hypothèses : soit il a obtenu les informations directement des ravisseurs, soit de ceux qui ont organisé l’enlèvement. Au fur et à mesure de l’enquête, il devra rendre des comptes à la justice.
Dans les jours et semaines suivant sa libération, Abboud a été la cible de multiples tentatives de piratage de ses comptes bancaires et emails, ainsi que d’attaques frauduleuses visant à manipuler ses images et vidéos pour falsifier des documents et ternir sa réputation.
Ces campagnes de désinformation illustrent l’importance capitale que les services de renseignement algériens accordent à dissimuler leur implication dans cette tentative ratée.
Les réactions simultanées de la France, de l’Union européenne et de l’Espagne témoignent de l’intérêt grandissant de la communauté internationale pour l’affaire Abboud, qui pourrait devenir, après révélation des résultats, l’un des plus grands scandales du régime algérien depuis l’indépendance.
Par Abdelrahman Fares ✍️