Les autorités financières marocaines, en étroite coopération avec plusieurs organismes de contrôle européens, resserrent l’étau autour d’un réseau complexe soupçonné d’être impliqué dans le trafic et le blanchiment de sommes importantes en euros entre le Maroc et divers pays européens, notamment l’Italie et la France. Les premières données indiquent que les investigations ont débuté après la détection de mouvements financiers inhabituels entre des comptes bancaires à Casablanca et Rabat, ce qui a poussé l’Autorité nationale du renseignement financier à ouvrir une enquête approfondie en coordination avec l’Office des changes.

Les équipes de contrôle ont constaté l’existence de virements classiques dépassant régulièrement 50 000 dirhams par transaction, signalés par des responsables d’agences bancaires appartenant à deux grands groupes financiers. Les premières vérifications ont révélé que les donneurs d’ordre ne disposent d’aucune activité économique ou professionnelle justifiant les importants dépôts en espèces enregistrés sur leurs comptes. Les bénéficiaires de ces fonds n’entretiennent quant à eux aucun lien commercial avéré avec les expéditeurs.

Grâce à des informations précises transmises par des organismes européens partenaires, l’Autorité marocaine a pu retracer le parcours de transferts aboutissant à des bénéficiaires en Italie et en France. Les données montrent que les membres du réseau recevaient d’importantes sommes en euros à l’étranger en échange du transfert de leur équivalent en dirhams vers des comptes bancaires au Maroc, exploitant des failles financières ainsi que des personnes vulnérables chargées d’effectuer les dépôts et les virements afin de dissimuler la véritable origine des fonds.

Les investigations ont permis d’identifier plusieurs Marocains résidant à l’étranger au cœur de ces opérations douteuses, parmi lesquels une femme d’affaires maroco-italienne installée en Suisse et propriétaire d’une chaîne de cafés et restaurants en Italie, ainsi qu’un Franco-Marocain dirigeant une agence de voyages et de location de voitures. Des éléments recueillis laissent supposer que certaines de ces sommes pourraient être liées au trafic international de stupéfiants, surtout que plusieurs noms apparaissant dans l’enquête avaient déjà été condamnés dans des affaires similaires en Europe.

Le montant total des transferts suspects repérés au Maroc s’élève à environ treize millions de dirhams, soit l’équivalent de 1,3 million de dirhams. Cette affaire survient dans un contexte marqué par une hausse notable des déclarations de soupçon reçues par l’Autorité nationale du renseignement financier. Le secteur bancaire arrive en tête des déclarants, avec plus de 44 pour cent du total, suivi par les établissements de paiement et de transfert de fonds.

Au cours des deux dernières années, l’Autorité a transmis soixante et onze dossiers liés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme au parquet de Rabat, Casablanca, Fès et Marrakech, ainsi qu’au procureur général près la Cour d’appel de Rabat. Le nombre des dossiers déférés a connu une hausse de plus de 31 pour cent entre 2022 et 2023.

Les enquêtes ont aussi révélé des investissements importants dans l’immobilier, le tourisme et la distribution alimentaire, soupçonnés d’être financés en partie par les revenus des activités de trafic financier. Il est également apparu que des employés et travailleurs modestes, parfois analphabètes et originaires de zones rurales, étaient utilisés pour effectuer des virements bancaires sans connaître la véritable identité des bénéficiaires, ce qui visait à brouiller davantage les pistes et à compliquer la tâche des services de contrôle.

Les autorités marocaines poursuivent, en coordination avec leurs partenaires européens, le suivi minutieux des ramifications de ce réseau afin d’identifier l’ensemble de ses membres et de démanteler ses circuits de financement, dans le cadre d’un effort continu pour renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent et la criminalité financière transfrontalière.