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Tourisme intérieur en Algérie : quand les vacances deviennent un rêve hors de portée

Par Abdelkrim Chaoui

Chaque été, à mesure que la chaleur s’intensifie, les villes côtières algériennes attirent des milliers de familles venues des Hauts Plateaux et du Grand Sud. Pourtant, ce rêve est souvent brisé par une réalité implacable : le coût élevé d’un simple séjour balnéaire. Dès que l’idée des vacances surgit, une question revient sans cesse : « Avons-nous vraiment les moyens de partir ? »
Et pour beaucoup, la réponse est clairement non.

Les tarifs hôteliers connaissent une envolée à l’approche de la haute saison. Dans certains établissements trois étoiles – souvent sans vue, sans petit-déjeuner et sans service de qualité – une nuit peut coûter jusqu’à 25 000 dinars, soit l’équivalent du salaire mensuel d’un enseignant ou d’un fonctionnaire.

À Béjaïa, haut lieu du tourisme estival, Saïd B., père de famille venu de Larbaâ Nath Irathen, raconte : « J’ai réservé deux chambres dans un hôtel modeste, sans services particuliers, et j’ai payé plus de 13 000 dinars par nuit. Je suis enseignant… comment financer une semaine entière sans m’endetter ? »

Face à cette flambée, des voix s’élèvent. Mustapha Zebdi, président de l’Organisation algérienne de protection du consommateur, dénonce des tarifs « trois fois supérieurs aux standards internationaux ».
« Ce ne sont pas seulement des prix élevés, ce sont des prix injustifiables », insiste-t-il.

Il rejette les arguments des hôteliers, qui évoquent des charges bancaires et des coûts d’exploitation : « Est-ce normal que le client paie plus parce que l’hôtel est endetté ? Est-ce le cas ailleurs ? Évidemment non. »

Au-delà des tarifs, c’est la qualité des prestations qui est pointée du doigt. Zebdi critique un modèle hôtelier dépassé : « L’accueil est-il professionnel ? Les services sont-ils à la hauteur ? Nous en doutons. Une réforme profonde est indispensable si nous voulons faire du tourisme un moteur économique. »

Dans de nombreux pays, le tourisme intérieur repose aussi sur des solutions abordables : auberges, foyers de jeunes, campings ou initiatives locales. En Algérie, ces options sont soit absentes, soit à l’abandon, et parfois fermées dans plusieurs wilayas.

La location d’appartements, elle aussi, devient inaccessible. À Oran, une location saisonnière avec vue sur mer peut atteindre 25 000 dinars la nuit – des tarifs dignes d’un hôtel haut de gamme… sans les services.

Saïd Mansouri, responsable d’agence de voyages, alerte sur une impasse : « Le tourisme intérieur est la base d’un système touristique solide. Mais avec des prix aussi déconnectés et une qualité médiocre, aucune dynamique durable ne peut émerger. »

Il propose des mesures concrètes :

L’Algérie regorge de richesses naturelles et culturelles : plus de 1 200 km de côtes, un Sahara fascinant, des montagnes verdoyantes, et un patrimoine culturel unique. Pourtant, paradoxalement, voyager à l’intérieur du pays reste un luxe pour une grande partie de la population.

Dans un contexte de diversification économique, le tourisme pourrait être un levier essentiel. Mais cela suppose une démocratisation de son accès.

Car le tourisme ne doit pas être réservé à une élite. Tout citoyen a le droit de découvrir et d’aimer son pays sans que cela ne devienne un fardeau financier.

Briser le monopole hôtelier, diversifier l’offre, et garantir une équité tarifaire : autant de conditions nécessaires pour que le rêve des vacances algériennes ne soit plus un privilège réservé à quelques-uns.

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