Par Pedro Canales
Nous assistons aujourd’hui à deux guerres ouvertes sur la scène internationale : celle d’Ukraine, opposant la Russie d’un côté et le régime de Kiev soutenu, conseillé et dirigé par le bloc occidental mené par les États-Unis ; et celle d’Israël contre la Palestine, représentée par les mouvements de résistance, dont l’épicentre est Gaza.
La première est une guerre classique, armée contre armée, qui suit encore les règles du droit international. La seconde, en revanche, est anormale et irrégulière : elle oppose une armée à une population civile, à un peuple, et à quelques groupes de résistance à la légitimité discutable. Elle a brisé toutes les lois et ne respecte plus aucune règle.
L’attaque lancée par l’armée israélienne contre la capitale qatarie, Doha – relevant de cette seconde guerre – soulève de nombreuses questions. La communauté internationale entière l’a considérée comme une violation flagrante du droit international, une agression contre un État souverain. Israël n’a pas l’intention de déclarer la guerre au petit État du Qatar – cela ne l’arrange pas et il n’en a pas la capacité –, mais il a intérêt à provoquer l’émirat et ses alliés du Conseil de coopération du Golfe.
L’armée israélienne est infiniment plus puissante et mieux préparée que l’armée qatarie, mais cette dernière bénéficie du soutien de son « allié stratégique » : les États-Unis. Le Qatar abrite en effet la plus grande base militaire américaine de la région, à partir de laquelle Washington supervise, contrôle et planifie toutes ses opérations militaires de la mer Caspienne à la mer Rouge, incluant la Turquie, la mer Noire et l’Afrique de l’Est.
Washington et Doha ont signé un accord de défense mutuelle, qui oblige – du moins sur le papier – la Maison Blanche à protéger son allié contre toute atteinte à sa souveraineté et à son intégrité territoriale.
Israël a informé les États-Unis qu’il allait bombarder des installations présumées du mouvement palestinien Hamas à Doha, où se trouvaient ses dirigeants pour négocier la fin de la guerre d’extermination à Gaza. Tel-Aviv a présenté l’opération non comme une agression contre un État, mais comme une « punition » contre la direction du Hamas.
Washington n’a pas opposé de veto, n’a pas bloqué la décision de Benyamin Netanyahou et de ses faucons, donnant ainsi son feu vert implicite à l’opération. Peut-être que le Pentagone n’y a pas pris part directement, mais il n’a pas non plus averti son allié qatari, se contentant de mettre ses forces en alerte.
Cela pose déjà un problème majeur pour les relations des États-Unis avec les monarchies du Golfe, mais aussi avec d’autres grandes puissances arabes comme l’Égypte et le Maroc.
Selon des sources diplomatiques citées par Maghreb Intelligence, le palais royal marocain – sur instructions directes du roi Mohammed VI – a informé Netanyahou que « la sécurité et la souveraineté du Qatar, comme celles de tous les pays du Golfe, constituent une ligne rouge ». Rabat a réitéré dans un communiqué de son ministère des Affaires étrangères sa condamnation de « la violation flagrante de la souveraineté du Qatar » et son « soutien total à l’État frère du Qatar ».
Quant à l’Arabie saoudite – chef de file du Conseil de coopération du Golfe et principal allié stratégique des États-Unis – elle constate les limites du Pacte de Quincy signé après la Seconde Guerre mondiale : Washington obtenait le monopole de l’exploitation du pétrole saoudien en échange de la protection de la famille royale. Mais ces accords ne s’appliquent que lorsqu’ils servent les intérêts américains.
La dynastie saoudienne, avec ses milliers de princes vivant en Occident, commence à douter. De plus en plus de voix s’interrogent : au moment critique, les États-Unis ne les abandonneraient-ils pas comme de simples déchets ? Même l’amitié de Donald Trump est désormais mise en doute.
Car l’existence même d’Israël repose depuis 1948 sur le soutien économique, politique, diplomatique et militaire des États-Unis. Israël a attaqué plus d’une douzaine d’États souverains – sept fois récemment : Syrie, Liban, Yémen, Iran, Jordanie, Irak et maintenant Qatar. Les États-Unis ne s’y sont jamais opposés, et ont toujours utilisé leur veto pour bloquer toute résolution de condamnation au Conseil de sécurité.
Le président Donald Trump a déclaré que l’ordre d’attaquer le Qatar venait de Netanyahou et non de lui. Pourtant, le plan mis en œuvre à Gaza reflète bien celui proposé par Trump : raser totalement la bande de Gaza et contraindre les survivants palestiniens à l’exil.
En Algérie, l’inquiétude grandit que les faucons israéliens de Netanyahou ne reproduisent le scénario qatari. En octobre 2022, le président Abdelmadjid Tebboune avait réuni plusieurs factions palestiniennes afin de coordonner leur réponse à Israël. Une tentative qui a eu peu de résultats, mais qui a placé l’Algérie dans le viseur potentiel de Tsahal.
Selon Mondafrique, plusieurs drones ont violé l’espace aérien algérien dans la nuit du 12 au 13 septembre. Ni les Forces de défense aérienne, ni la 1ère région militaire n’ont pu intercepter ces appareils. Ce qui pose la question : ne s’agissait-il pas d’une incursion préventive israélienne ? Alger, en plus de son rôle actif dans la réconciliation palestinienne, est soupçonnée par certaines sources occidentales d’abriter des cadres intermédiaires du Hamas. Ce qui expliquerait pourquoi l’affaire des drones fantômes a déclenché toutes les alarmes.