Moins de vingt-quatre heures après la publication, dans Le Figaro, de la lettre d’Emmanuel Macron à son Premier ministre François Bayrou appelant à la fermeté envers Alger, la réaction algérienne est tombée. Elle s’est déroulée en deux temps.
Par Hichem ABOUD
D’abord, dans la matinée, un communiqué du ministère des Affaires étrangères répondant aux décisions du chef de l’État français, en particulier sur la question des visas. Puis, dans la foulée, la convocation au siège du ministère, à Alger, du chargé d’affaires français, reçu par le directeur des Immunités et Privilèges.
Mais de la part du président Abdelmadjid Tebboune… pas un mot. Celui qui affirmait, il y a peu, que les échanges algéro-français devaient se dérouler « au niveau des chefs d’État » s’est, cette fois, muré dans le silence. Il faut croire que cette règle ne vaut que dans la discrétion des coulisses, loin de la lumière médiatique. Dès qu’il s’agit d’affronter un dialogue public, le locataire d’El-Mouradia se dérobe.
Un ton inédit, loin des invectives habituelles
Le communiqué du ministère des Affaires étrangères tranche nettement avec les réactions passées. Pas de défi lancé à Paris, pas de menaces brandies, et — fait inédit — aucune attaque contre l’extrême droite française ou contre le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, devenu pourtant le bouc émissaire favori des officiels et médias algériens depuis un an.
Cette fois, Alger se positionne en victime. Le texte évoque les précédents communiqués français pour faire porter la responsabilité de l’escalade à Paris, mais passe sous silence sa réaction virulente à la reconnaissance par Emmanuel Macron de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Tout aussi absente : la moindre allusion aux opérations clandestines algériennes menées sur le sol français, par ses services secrets.
Sur la question des visas, le discours se veut mesuré, prônant une simple « politique de réciprocité » envers les diplomates français. Une posture qui ignore commodément que, côté algérien, l’exemption de visa pour les passeports diplomatiques profite bien plus aux familles des dignitaires du régime — épouses et enfants — qu’aux diplomates eux-mêmes. Dans un sursaut d’orgueil mal placé, Alger annonce même « saisir l’opportunité idoine » pour dénoncer purement et simplement cet accord.
Un appel au dialogue plutôt qu’à la rupture
Le point le plus marquant figure toutefois dans la conclusion du communiqué : un appel au dialogue et au règlement des différends bilatéraux. Aucun mot sur une éventuelle rupture des relations diplomatiques, aucun ton martial. Un contraste frappant avec les diatribes habituelles.
La seconde partie de la réponse algérienne porte sur les biens immobiliers appartenant à l’État algérien et mis gratuitement à la disposition de l’ambassade de France à Alger. Les autorités annoncent la fin de cette mise à disposition, ainsi que le réexamen des baux « très avantageux » conclus avec les OPGI. Paris est invité à dépêcher une délégation pour en discuter.
Miser sur l’apaisement pour éviter l’embrasement
En s’abstenant de répondre directement à Emmanuel Macron, Abdelmadjid Tebboune s’offre une porte de sortie pour ne pas aggraver une situation diplomatique déjà tendue — et, surtout, pour éviter de se ridiculiser. Le régime algérien sait qu’il a intérêt à garder entrouverte la voie du dialogue avec un pays qui accueille près de six millions de personnes d’origine algérienne. Une diaspora qui, si elle venait à s’embraser, pourrait rallumer depuis la France les braises du Hirak.